Mettre en oeuvre les principes de l'agroécologie : l'élevage


 


Présentation de la situation




 

Agroécologie et élevage


l’élevage, utilisateur de surfaces

Le premier temps de cette étude nous permettra d’appréhender la diversité et l’étendue des surfaces mobilisées par l’élevage, de décrire les modes d’utilisation de ces surfaces et d’identifier les enjeux associés.


Pour obtenir la transcription, cliquez ici

 

Différentes surfaces


Parcours de lande

Les landes sont des végétations associant une strate herbacée et une strate arbustive. Cette dernière interdit toute forme de récolte mécanique ; il s’agit donc de milieux exclusivement pâturés. La présence d’arbustes crée un microclimat qui retarde le dessèchement et le mûrissement de l’herbe. Les buissons fournissent des abris pour les animaux, qui s’y protègent des intempéries et parfois des insectes et une ressource alimentaire complémentaire à l’herbe (feuilles, fleurs, fruits).


Cultures fourragères

Les cultures fourragères sont des cultures (herbes ou arbres) entièrement à destination des herbivores d’élevage. Leurs parties aériennes sont pâturées sur place ou récoltées et distribuées fraîches ou après conservation sous forme de foin ou d’ensilage. Ces cultures fourragères sont conçues pour fournir des aliments « à haute valeur nutritionnelle » aux troupeaux, en complément de pâturages moins riches ou, sous forme conservée, en alternative au pâturage lorsque les conditions de milieu sont défavorables. Dans le cas où les fourrages sont récoltés et exportés, il est indispensable de prévoir des apports de matières fertilisantes pour compenser les pertes de matière organique.


Résidus de culture

Les cultures, même destinées prioritairement à l’alimentation humaine, fournissent des fourrages pour l’élevage et/ou de la paille de litière. Les résidus de culture sont ce qui reste au sol après récolte : pailles, fanes, grains tombés au sol, parfois de nouvelles pousses vertes. La période d’utilisation des résidus de culture (et des terres environnantes dans le cas où les cultures ne sont pas clôturées) par les troupeaux est essentiellement déterminée en fonction du calendrier cultural. Le pâturage des résidus de culture revêt une fonction essentielle : la fertilisation, par les déjections des animaux, de surfaces dont on exporte régulièrement de la matière organique par les récoltes.


Prairies permanentes

Les prairies permanentes sont des milieux ouverts, avec une végétation strictement herbacée. On les trouve dans des régions arrosées, favorables à la pousse de l’herbe. Les prairies permanentes sont majoritairement pâturées. Si elles ne sont pas trop pentues ni humides, elles peuvent être fauchées pour récolter de l’herbe qui sera ensuite conservée sous forme de foin ou d’ensilage, puis pâturées.


Parcours de steppe

Les steppes sont des formations herbeuses basses et éparses, caractéristiques des milieux arides ou semi-arides. Elles sont exclusivement pâturées; la forte dispersion spatiale de la ressource oblige les troupeaux à parcourir de longues distances pour s’alimenter. Encore plus que dans d’autres milieux, la localisation des points d’abreuvement est déterminante pour la répartition spatiale du troupeau.


Parcours boisés

Les parcours boisés offrent une diversité de ressources pour nourrir les troupeaux : herbes, branches basses, feuilles et fruits tombés au sol, mais aussi ombre et fraîcheur durant les mois les plus chauds. Le pâturage des bois est souvent soumis à des règles (individuelles ou collectives) visant à concilier utilisation pastorale et production de bois ou de fruits destinés à l’homme.


Parcours humides

Les parcours humides sont pâturés en été ou en en saison sèche, période à laquelle leur niveau d’eau est plus bas et leur végétation plus verte qu’ailleurs. Dans les marais et prés salés, la forte teneur en sel des plantes et l’humidité du sol en font un milieu « difficile », auquel les animaux d’élevage doivent s’adapter. Les tourbières et bas-fonds ne présentent pas de contrainte de salinité, mais restent des milieux « fragiles » du point de vue écologique.

 

Elevage : les enjeux






Nous vous proposons 2 questions de compréhension pour vous exercer

1) La « modernisation » de l’agriculture, qui s’est accélérée depuis la moitié du XX° siècle, a modifié les relations entre agriculture et élevage. Comment ?

2) Quels sont les 3 problèmes majeurs liés à cette modification ?

 

Réponse 1 : La spécialisation des exploitations agricoles a amené progressivement les exploitants, en particulier dans les pays « du Nord », à concentrer la production agricole (cultures) dans les terres de plaine les plus fertiles, et à repousser l’élevage vers des zones moins fertiles : parcours secs, montagnes. Cela a abouti à une dissociation spatiale entre agriculture et élevage.

Réponse 2 :
L'appauvrissement des sols dans les zones cultivées à cause d'une fertilisation essentiellement minérale (plus de déjections issues de l’élevage).



Le surplus de matière organiques dans les zones d’élevage du fait de l’achat d’aliments pour compléter les rations fourragères causant des surplus de matières organiques et des pollutions localisées.

Au lieu d’utiliser les résidus des cultures destinées à l’alimentation humaine pour le bétail, on cultive localement des fourrages et des céréales entièrement destinées à l’alimentation animale, ce qui crée une concurrence entre l’alimentation humaine et animale pour l’usage du foncier agricole.

 

Ressource complémentaire

Article sur l'élevage et la fertilité des sols (P. Salgado, E. Tillard). 

 


 

Pour en savoir plus

Article « Efficience de l'élevage extensif en milieu difficile » (M. Vigne). Pour le télécharger, cliquez ici



 


Leviers d’action pour mobiliser des processus écologiques



LES PROCESSUS ECOLOGIQUES ASSOCIES AUX HERBIVORES D’ELEVAGE

Auteurs : Magali JOUVEN (coord.), Claire AUBRON, François BOCQUIER, Charles-Henri MOULIN

Les herbivores sont les premiers maillons de la chaîne alimentaire : ils se nourrissent exclusivement de végétaux, qu’ils sont capables de transformer en viande et en lait. Ils tirent ainsi les nutriments nécessaires à leurs besoins à partir d’aliments très riches en fibres et mal valorisables par des omnivores comme l’homme. Parmi les herbivores, on distingue les herbivores monogastriques (équidés par exemple) au système digestif proche du nôtre et les herbivores ruminants (bovins, ovins, caprins).



Les herbivores ruminants

La particularité des herbivores ruminants est de disposer d’un système digestif unique qui leur permet de valoriser particulièrement bien les fibres des végétaux (Figure 1) :

  • D’un gros estomac à plusieurs compartiments, appelé rumen, qui contient une flore symbiotique (= des microorganismes qui coexistent avec le ruminant, à bénéfices réciproques). Les microorganismes qui composent la flore symbiotique dégradent la cellulose des plantes et consomment une partie des nutriments ingérés par le ruminant. Ce faisant, ils produisent des acides gras volatils qui constituent des sources d’énergie pour le ruminant.
  • D'un tube digestif par lequel le ruminant digère une partie des microorganismes et en tire des protéines pour son alimentation.  La flore ruminale se constitue dans le jeune âge, avec le début de consommation de fourrages par le jeune pré-ruminant (encore nourri majoritairement au lait maternel). Elle est susceptible d’évoluer également au cours de la vie du ruminant, en fonction de la nature de son alimentation.




Figure 1 : le système digestif des ruminants



Pour se nourrir, un herbivore doit malgré tout ingérer une grande quantité de végétaux, c’est pourquoi les herbivores passent beaucoup de temps à s’alimenter : environ 8h par jour pour une vache (ruminant) pâturant une prairie et 14h par jour pour un cheval (monogastrique).

La durée d’alimentation et la répartition temporelle des repas varient selon la vitesse de digestion des aliments, la facilité de prélèvement au pâturage et la motivation à ingérer.  Chez le ruminant, la quantité ingérée est limitée par la taille du rumen d’une part et par la vitesse de dégradation des particules ingérées d’autre part.

En effet, contrairement à l’estomac des monogastriques, le rumen ne laisse sortir vers les intestins que de très petites particules. D’où l’importance de la rumination, réalisée entre les repas, où l’animal ruminant régurgite les « grandes particules » (>10mm) du rumen vers la bouche pour les remastiquer, augmentant ainsi la surface d’attaque pour les microbes et par conséquence la vitesse de digestion.

Tout comme la flore ruminale, le volume du rumen se développe avant tout dans le jeune âge en fonction de l’alimentation reçue, et peut évoluer au cours de la vie de l’animal.



L’alimentation dépend du milieu et du type de conduite.

Pour les animaux nourris en bâtiment, c’est l’éleveur qui choisit la nature des aliments et les rythmes d’ingestion sont calés sur les périodes de distribution. Souvent, les aliments « riches » tels que les concentrés sont distribués en quantité limitée et ingérés intégralement par les animaux, alors que les aliments « grossiers » (riches en fibres) tels que les fourrages sont fournis à volonté.

Dans le cas d’une alimentation au pâturage, c’est l’animal qui choisit les aliments ingérés (parties de plantes). Cette sélection alimentaire requiert des compétences spécifiques de l’animal , en particulier dans des milieux complexes, comme c’est souvent le cas pour des végétations spontanées comportant une diversité d’espèces herbacées et parfois ligneuses.

 


Figure 2 :
les nombreuses activités d’un animal au pâturage (photo : M. Jouven)



Compétence pour trier et prélever : en effet, pour se composer une ration lui permettant de subvenir à ses besoins, l’animal doit :

  • reconnaître « ce qui est consommable » (= non toxique),
  • savoir associer des éléments de végétation aux caractéristiques complémentaires (par ex. riche en fibres + riche en énergie + riche en protéines).



Compétence pour se déplacer: l’alimentation au pâturage nécessite d’explorer un milieu et donc de se déplacer (1 à 15 km en un jour), tout en gardant un contact social avec le groupe.

L’acquisition de ces compétences nécessite une exposition précoce et prolongée au milieu, de préférence en association avec des individus expérimentés (en particulier la mère pour les jeunes encore allaités).

La diversité de l’offre alimentaire stimule l’ingestion et permet à l’animal d’adapter son régime au fil des saisons, en fonction de la diversité du « consommable disponible ». Les aliments ingérés sont transformés par l’animal en production zootechnique (viande, lait, laine) et en déjections (fèces, urine) utilisables par l’homme.
 


Figure 3 :
les produits de la digestion chez les ruminants


Au passage, ces transformations occasionnent des pertes (CO2 issu de la respiration, CH4 issu des fermentations ruminales, chaleur, sueur, …). Dans les déjections, la majorité de l’azote excrété se retrouve dans l’urine, alors que l’énergie excrétée (matière organique) se retrouve dans les fèces. Une alimentation très riche en fibres comporte une part digestible comprise en général entre 50 et 75%, avec une part fixée dans la production zootechnique inférieure à 20%. Plus du tiers de l’énergie et de l’azote ingéré sont ainsi excrétés par le ruminant. La teneur en énergie et en azote des déjections dépend de l’équilibre de la ration alimentaire, d’abord pour les microbes (plus l’alimentation des microbes est équilibrée, plus ils vont pouvoir se développer et ainsi fournir énergie et protéines) et ensuite pour le ruminant.



Pour les zones où l’élevage est intégré à l’agriculture


 


Figure 4
: relations entre troupeau et cultures dans les systèmes intégrés agriculture x élevage (photos : P. Salgado et E. Tillard)


Les relations entre les troupeaux et les cultures concernent (Figure 4) :

  • (i) la production sur les parcelles de culture de fourrages (feuilles, tiges) et de concentrés (grains, tubercules, …) destinés aux animaux,
  • (ii) l’utilisation de l’énergie animale dans les activités agricoles (traction attelée, transport des produits, foulage, pompage de l’eau, etc.),
  • (iii) la participation des animaux au renouvellement de la fertilité des zones cultivées.


Définie pour un écosystème comme « la capacité à produire durablement de la biomasse végétale », la fertilité se traduit pour un sol cultivé en termes de fertilité humique et de fertilité minérale. Toutes deux dépendent de la nature de la roche mère, du climat et de la végétation qui s’y développe, mais aussi des pratiques culturales et de l’histoire de sa mise en valeur par l’homme.

 
Parmi les différents modes de renouvellement de la fertilité, l’animal occupe une place importante.

Les produits de fumure sont divers : déjections pures (fèces, urines), mélangées à de l’eau (lisier), à des pailles (fumier) ou à de la terre (terre de parc, poudrette), ou encore compostées.

 


Sources des images : Image 1 : By Malene Thyssen (Own work) via Wikimedia Commons, Image 2 : By Photograph © Andrew Dunn, via Wikimedia Commons, Image 3 : © Benoît Prieur / Wikimedia Commons, via Wikimedia Commons



Les déjections ont un pouvoir fertilisant différent selon le type de fumure et l’espèce animale :

  • les dépôts frais de fèces contiennent plus d’éléments minéraux que les dépôts anciens,
  • le taux de matière azotée des fèces de petits ruminants (ovins, caprins) est plus élevé que celui des fèces de bovins
  • et tous deux sont liés au régime alimentaire, qui varie généralement avec la saison.



Le fumier, qui correspond à un mélange de fèces et de matière organique végétale, peut être caractérisé par des critères tels que : 

  • l’importance des éléments végétaux,
  • l’humidification,
  • le tassement, qui jouent sur les fermentations.



Pour qualifier les poudrettes de parc, on s’intéresse : 

  • à la nature du terrain,
  • à la saison,
  • au lessivage,
  • à la durée du parcage, etc.




L’effet agronomique de la fumure animale est double :

      1.  les minéraux qu’elle contient viennent accroître la fertilité minérale du sol,
      2.  la matière organique augmente sa stabilité et sa capacité de rétention en eau.



L’intensité de ces deux effets est fonction du rapport entre la quantité de carbone (C) et d’azote (N) organiques du produit de fumure : un rapport C / N faible (matière organique évoluée, comme le compost) se traduit par une forte disponibilité de minéraux pour les plantes.

Avec un rapport C / N élevé, comme dans le cas des fumiers riches en paille, la minéralisation de la matière organique est plus lente et l’apport minéral pour les cultures est moindre, tout au moins à court terme.

L’animal, via les processus de digestion et d’excrétion, accélère considérablement le recyclage des éléments végétaux, réalisant ainsi une véritable stimulation biologique pour l’écosystème. Pour renouveler la fertilité sur des terres cultivées, il est cependant nécessaire que les quantités de matières organiques et minérales apportées compensent les exportations (récolte) et les pertes (lessivage des éléments minéraux, …).



La composition d’un couvert végétal

La composition effective d’un couvert végétal spontané dépend fortement des conditions de milieu ; notamment de la fertilité du milieu d’une part et du régime de perturbations (prélèvements, piétinement, …) d’autre part.

Au pâturage, la présence d’animaux modifie localement les pressions exercées sur les végétaux : les prélèvements de feuilles et tiges modifient la compétition pour la lumière entre plantes, et les déjections améliorent localement la fertilité du milieu.

 


Figure 5 :
effets directs et indirects du pâturage sur la fertilité des milieux pâturés (photo : M. Jouven)


Par ailleurs, les animaux peuvent participer également à la dispersion des graines ou au contraire entraver la reproduction sexuée des plantes s’ils consomment les graines immatures ou les jeunes épis.

 
Ainsi, la composition d’un couvert évolue au fil des années selon le régime d’utilisation par les troupeaux. Au sein d’une même année, la consommation par les troupeaux ou le prélèvement par fauche sont susceptibles de limiter le mûrissement des couverts en éliminant des feuilles et jeunes tiges avant qu’elles n’entrent en sénescence. A un instant donné, l’état d’un couvert végétal est ainsi fortement dépendant de l’utilisation réalisée dans l’année (par pâturage ou par fauche).

 

LEVIER 1: Etendre le spectre des ressources mobilisées

  • Accorder une plus large place aux végétations spontanées et aux sous-produits dans l’alimentation des troupeaux.

  • Favoriser les apprentissages pour développer les compétences des troupeaux à se nourrir à partir de ressources diversifiées.



Les besoins nutritionnels de l’espèce humaine : conséquence sur les types d’aliments consommés

 


L’espèce humaine ne peut consommer qu’une petite partie de la ressource végétale. En transformant les fibres végétales et co-produits non utilisables par l’homme, les animaux d’élevage fournissent des aliments de très bonne valeur nutritionnelle pour l’homme.



Notion de la part mangeable de la ressource (Travaux de Wilkins et al., 2009)

Selon les pays, les traditions et les technologies agro-alimentaires utilisées on peut différencier la part mangeable (x%) de celle qui ne l’est pas (100-x%).

Selon les régimes alimentaires des animaux et les technologies employées localement, on peut différencier la part mangeable (y%) par ces animaux de celle qui ne l’est pas (100-y%).

Ainsi la récolte d’1 kg de blé est utilisable à hauteur de

  •   x= 50 % par l’Homme (on enlève le son, les brisures et les germes),
  •   y=100 % par la volaille (tout est consommable),
  •   y=100% par la vache  (tout est consommable).

Mais le son, les brisures et les germes sont aussi consommables à 100% par les volailles et les vaches.

 



La part des produits agricoles non consommable par l’homme est parfois consommable par les animaux d’élevage, en particulier les fibres (feuilles, tiges, son, …) qui sont bien valorisées par les herbivores.

La place de l’Homme dans la gestion des ressources d’un point de vue agroécologique

D’un point de vue écologique, l’Homme organise l’utilisation des ressources dans les élevages de son agro-écosystème.

Il distribue les aliments (la part consommable des ressources) selon les capacités digestives des espèces présentes c’est-à-dire qu’il gère la chaine alimentaire.



Les critères d’allocation de la ressource, en l’état ou transformée (par des technologies), devraient limiter les compétitions entre espèces animales pour améliorer l’efficience du système d’élevage.  En alimentant les herbivores d’élevage avec la part non mangeable par l’homme, on annule la compétition homme-animal et on limite les pertes.


Utiliser plus de sous-produits non cultivables, pour réduire la compétition avec l’alimentation humaine
L’intensification des élevages et la maximisation des performances est basée sur des cultures fourragères ou céréalière (sur une consommation d’aliments à forte valeur nutritionnelle).


 
Sources des images via Wikimedia Commons : Image 1 : By Rasbak , Image 2 By Ji-Elle  CC BY-SA 4.0, Image 3 By Jinx (http://www.flickr.com/photos/span112/2306070622/) CC BY-SA 2.0


Les animaux monogastriques (porcs et volailles) sont très productifs, mais ils sont en compétition directe avec l’alimentation humaine.  Les herbivores (bovins, ovins, caprins, équins), dans bien des cas, pourraient être nourris avec des aliments moins nobles (ils pourraient davantage être alimentés sur des coproduits de l’agroalimentaire et/ou sur des surfaces de parcours non cultivables).
 

 


Des rations à équilibrer selon les besoins des troupeaux, avec les ressources localement disponibles

Les rations alimentaires des animaux d’élevage sont établies pour couvrir leurs besoins énergétiques, protéiques mais aussi minéraux et vitaminiques. Pour les herbivores et en particulier les ruminants, il est nécessaire que les rations aient un contenu élevé en fibres, nécessaire au bon fonctionnement de leur appareil digestif.

 



Les fourrages et les sous-produits agricoles et agro-industriels peuvent être caractérisés par leur teneur en énergie, protéines et fibres. La diversité des plantes fourragères et des sous-produits rend théoriquement possible l’alimentation des troupeaux sans concurrence avec l’alimentation humaine. Dans les faits, l’alimentation des troupeaux dépend fortement de ce qui est localement disponible ou accessible.



Les végétations « spontanées » (prairies et parcours)

Les systèmes d’élevage pastoraux s’appuient sur des ressources alimentaires non en compétition avec l’homme: prairies permanentes et parcours. Ces surfaces de végétation « spontanée » (= issue du réservoir local d’espèces) sont situées dans des zones non cultivables à cause de l’altitude, de la faible profondeur de sol et des conditions climatiques. La présence de l’homme et des troupeaux à travers les siècles a permis d’entretenir un couvert végétal majoritairement herbacé (prairies) ou associant herbes et ligneux (parcours) favorable à l’alimentation des herbivores d’élevage.

 




Les herbivores transforment les parcours en aliments pour l’homme

Les systèmes pastoraux (basés sur des végétations spontanées avec herbe et/ou ligneux) fournissent des ressources fourragères qui ne sont pas en compétition avec l’alimentation humaine, bien au contraire: les herbivores d’élevage transforment des plantes non consommables par l’homme en produits animaux utiles à l’homme.





Difficultés liées à l’utilisation des végétations « spontanées »

Les prairies permanentes et parcours sont caractérisés par une végétation très diversifiée et dont la pousse est souvent concentrée sur quelques mois de l’année. Deux problématiques se posent alors :


  • Comment gérer la diversité de la végétation ?




  • Comment nourrir le troupeau toute l’année à partir d’une ressource très saisonnée?








Choisir les animaux, favoriser les apprentissages

Les animaux ne naissent pas en sachant se nourrir dans un environnement qui peut comporter entre 50 et 100 espèces végétales et dont les caractéristiques nutritionnelles et anti-nutritionnelles (toxicité) évoluent au fil des saisons et selon les associations d’aliments… Pour autant, certaines espèces (par ex. les chèvres) et certaines races (dites « rustiques » ) possèdent des aptitudes physiologiques et morphologiques qui les rendent particulièrement adaptées à des environnements changeants.
 




Une grande part de la capacité des animaux à se nourrir sur parcours dépend des apprentissages, en particulier dans le jeune âge. On estime aujourd’hui que même durant la gestation le fœtus s’imprègne des arômes des plantes ingérées par la mère; plus tard, c’est en pâturant à côté d’elle et/ou de congénères expérimentés que le jeune identifiera les éléments de végétation consommables et comment les associer pour subvenir à ses besoins.


Des savoirs écologiques et un savoir-faire spécifique sont nécessaires pour nourrir un troupeau sur parcours
Nourrir des troupeaux sur parcours nécessite un savoir-faire particulier adapté à chaque situation. En effet, devant une végétation hétérogène et changeante, consommée partiellement par des animaux qui y sélectionnent des bouchées diverses, les indicateurs classiques de « quantité de disponible » ou de « teneur en nutriments de l’herbe » ne sont plus applicables.

 



C’est à partir de l’observation fine du comportement des animaux et de la dynamique des végétations pâturées que l’éleveur ou le berger peut se constituer un référentiel propre, basé souvent sur des savoirs empiriques, pour guider ses choix de conduite (par ex. changement de zone pâturée).


LEVIER 2 : Améliorer l’efficacité d’utilisation et de recyclage de la matière organique

  • S’appuyer sur la diversité des ressources alimentaires pour améliorer l’efficacité à différentes échelles.
  • Développer des techniques de fumure permettant de limiter les pertes par évaporation et lessivage.



Diversifier l’offre alimentaire pour motiver les animaux à ingérer

Une des conditions nécessaires à l’obtention d’une production zootechnique est que les animaux ingèrent assez de nutriments. Pour cela, il faut fournir une ration riche ou alors faire ingérer beaucoup d’une ration moins riche. A l’auge comme au pâturage, les recherches montrent que l’appétit des troupeaux et avec lui la quantité ingérée en une journée, peut être stimulé en offrant au animaux un régime diversifié.

 

 

A l’auge, l’ingestion augmente avec la fréquence des distributions d’aliments et la présence de plusieurs aliments (non mélangés). Au pâturage, la diversité des plantes présentes mais aussi le changement régulier de secteur de pâturage, souvent enclenché par l’action du berger, relance l’appétit du troupeau.



Ajuster les rations pour maximiser l’efficacité alimentaire :

Les mesures ci-dessous, effectuées sur ovins en zone soudano-sahélienne, montrent l’importance d’un régime équilibré pour l’efficacité alimentaire. Dans ce cas, un régime exclusivement composé de fourrages pauvres  conduit à une moindre efficacité alimentaire par rapport à un régime où ces mêmes fourrages sont associés à un concentré qui « équilibre » la ration par rapport aux besoins des animaux :

 


*aucune croissance observée.
(Données du programme ABT, ISRA-CIRAD, non publiées)

 

En équilibrant les rations alimentaires, on peut limiter la teneur en énergie et en azote des déjections. On augmente ainsi l’efficacité alimentaire de l’animal (transformation des aliments en produits animaux) et on limite le potentiel polluant des déjections dans des zones connaissant une dissociation spatiale entre agriculture et élevage.



Comment caractériser l’efficacité ?

L’efficacité de la transformation en produits animaux s’exprime par différents indices de conversion (rapport entre ce qui obtenu sur ce qui a été utilisé) :

  • Quantité de produits / Quantité d’Aliment Utilisée
  • Protéines Animales Produites / Protéines Utilisées
  • Energie produite / Energie Utilisée




Identifier la diversité dans le troupeau et les ressources pour offrir une alimentation adaptée aux besoins, toute l’année.

Alimenter des animaux « à forts besoins » (par ex. vaches ou brebis en lactation) avec des fourrages « pauvres » ou une herbe sèche au pâturage est inadapté, car les animaux ne pourront subvenir à leurs besoins. Cependant, utiliser d’excellents fourrages ou pâturages pour des animaux « à faibles besoins » (par ex. vaches ou brebis ni en gestation ni en lactation) est souvent inutile…

Identifier la diversité des ressources alimentaires (pâturées ou distribuées) disponibles, et l’ajuster si besoin, permet d’identifier (ou de créer) des ressources alimentaires de différentes qualités, adaptées à des animaux « à forts » ou « à faibles » besoins.
Organiser le troupeau en lots d’animaux (lot = groupe d’animaux conduits de la même manière) en cohérence avec leurs besoins permet de réserver les « meilleures ressources » aux lots « à forts besoins » à une période donnée de l’année.

 

En identifiant, structurant et organisant la diversité au sein du troupeau et des ressources alimentaires, l’éleveur peut améliorer l’autonomie alimentaire et l’efficacité de son système d’élevage.

Diversifier la ressource pour nourrir le troupeau toute l’année

Pour faire face à la saisonnalité des végétations « spontanées », il faut miser sur la diversité des ressources disponibles.

Cas 1 :  Utiliser la mobilité des animaux pour changer de milieu et ainsi suivre la dynamique de végétation. C’est le cas classique des systèmes transhumants, où le troupeau pâture en altitude l’été, en plaine en hiver

 



Cas 2 :  Diversifier les ressources dans un même milieu. En alternative à la mobilité des troupeaux, il est possible de « diversifier » les ressources localement. En effet, selon les utilisations (fauche, pâture) réalisées durant l’année et en particulier au printemps, le type, l’abondance et la qualité de la végétation disponible à un instant donné diffère.

 



Au final, en organisant l’utilisation de cette diversité au cours de l’année, il est possible, à certaines latitudes et à des altitudes modérées, de nourrir le troupeau au pâturage toute l’année, même sur végétations spontanées…


Diversifier le troupeau pour s’adapter aux ressources disponibles
Les besoins alimentaires diffèrent selon l’espèce animale, la taille de l’animal, son stade physiologique (en croissance, en gestation, en lactation, …). Au sein d’un troupeau, on peut distinguer différentes catégories d’animaux selon ces critères, associés à d’autres critères tels que le besoin de surveillance par exemple.

 



A un instant donné, en subdivisant le troupeau en groupes ayant chacun un type de besoins, on peut réserver les « meilleures ressources » du moment aux animaux ayant le niveau de besoins le plus élevé. Ont peut, à l’inverse, faire consommer des aliments moins riches à des animaux pour lesquels il n’y a pas, à ce moment-là, d’enjeu de production.


 
Fertiliser les cultures : une nécessité dès lors qu’on récolte et exporte de la matière organique


En récoltant les produits des cultures, on exporte de la matière organique produite à partir des ressources du milieu. Si on n’apportait pas régulièrement des engrais (fumier ou engrais chimiques), le milieu s’appauvrirait car on ne compenserait pas les pertes par exportation. La fertilisation doit être ajustée pour au moins compenser ces pertes.



Utilisation de la mobilité des animaux pour un transfert horizontal de fertilité (parcage du troupeau)

Les déjections animales sont d’excellents fertilisants organiques. Les déjections, habituellement mélangées à de la paille de litière, provenant des animaux nourris en bâtiment à partir d’aliments conservés sont généralement valorisées comme fertilisant pour les cultures. Lorsque les animaux s’alimentent sur des végétations spontanées (parcours) mais que leurs déjections sont restituées aux cultures, on parle de transferts de fertilité des parcours vers les cultures.




En concentrant les déjections animales produites sur des surfaces cultivées, on compense les pertes de matière organique liées aux récoltes et on entretient ainsi la fertilité du milieu.
 

Cas 1 : les animaux sont attachés la nuit sur des parcelles qui vont être cultivées la saison suivante. Le parcage de nuit est déplacé régulièrement afin de fumer l’ensemble des parcelles. Ici, seule la mobilité des troupeaux est utilisée pour assurer l’entretien de la fertilité.


 


Parcelle de maïs autour du village, avec concentration de déjection par parcage de nuit mobile (Sénégal)


Lorsque les animaux pâturent, les déjections sont réparties dans l’espace en fonction de l’exploration et de l’utilisation du milieu réalisée par le troupeau. On retrouve habituellement une concentration des déjections dans les zones de repos, c’est pourquoi le parcage nocturne (= regroupement des animaux dans un petit parc) permet de « récupérer » une partie des déjections issues de l’alimentation pâturée pour enrichir des zones cultivées en jachère, qui sont semées par la suite.


Cas 2 : les animaux sont rassemblés la nuit dans un parc ; avec une accumulation des déjections. Celles-ci sont ensuite transportées sur les parcelles à mettre en culture (avant un travail du sol pour enfouir la matière organique). La fumure animale produite est ici de la « terre de parc » (mélange de fèces desséchés et de terre).

 


Parc amélioré Mali Sud, avec stock de tiges de cotonnier pour faire de la litière


Les parcs peuvent être améliorés en apportant des pailles, ce qui permet de retenir une partie de l’excrétion urinaire. Le parc peut-être également protégé (toit), pour éviter que les pluies entraînent les éléments. La fumure animale produite est ici du fumier (mélange de déjections animales et de biomasse végétale).


Cas 3 : les animaux restent en permanence en stabulation (vaches en lactation, bovins à l’embouche). Des fourrages sont distribués pour les animaux, des pailles sont transportés pour faire de la litière. Le fumier produit est ensuite amené sur les parcelles cultivées.

 


Fumier près d’une stabulation pour vaches laitières, Madagascar



Exemple : territoire d’élevage pour les troupeaux bovins d’un village en Haute-Casamance (Sénégal)


Transferts de fertilité en saison « humide » (cas 1)

 
Transferts de fertilité en saison « sèche » (cas 2)

 
Transferts de fertilité en saison « sèche » (cas 3)

 



Postes de pertes lors des transferts horizontaux de fertilité, ex. pour l’azote (N)

  • Évaporation au moment de l’émission et durant le stockage.

  • Pertes par ruissellement ou lessivage lors du stockage ou au champ.

  • Fraction non minéralisée dans le sol et donc non utilisable par les plantes.


Une partie de l’énergie et de l’azote que les déjections animales contiennent est perdue entre le moment où les déjections sont émises et le moment où elles sont épandues sur les cultures. Ces pertes sont d’autant plus importantes que le temps de stockage est long et que les conditions de stockage sont non hermétiques. Lors de l’épandage dans le sol, des éléments fertilisants sont encore perdus, par évaporation et par lessivage dans le sol avec les eaux de pluie.


Réduire les pertes d’éléments fertilisants, ex. pour l’azote (N)

  • Évaporation au moment de l’émission et durant le stockage :

  • Limiter le temps de stockage.

  • Pertes par ruissellement ou lessivage lors du stockage ou au champ :

  • Mélanger les déjections à de la paille ou à des résidus de culture.

  • Entreposer les déjections dans une aire bétonnée ou couverte.

  • Fraction non minéralisée dans le sol et donc non utilisable par les plantes :

  • Ajuster la composition du fumier (rapport C/N) en mélangeant si besoin plusieurs types de déjections.



Ressources complémentaires :

texte CIRAD « élevage et fertilité des sols » (P. Salgado, E. Tillard)
 


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Cas d'étude : Plein air intégral sur les végétations spontanés



Mise en œuvre sur un cas d’étude (résultats, difficultés perspectives)

Dans ce dernier temps de travail, nous vous présenterons une situation particulière en France. Vous analyserez  les processus et leviers mobilisés qui relèvent de l’agro-écologie dans cette situation.

 


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Les deux vidéos ci-dessous, présentent une interview de Sébastien Douls, technicien au domaine de La Fage.


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